Laudatio du Prix Jean Dumur 2021

Le Nouvelliste

Chères consoeurs, chers confrères du Nouvelliste,

Cher Vincent,

 A ce jour, le Prix Jean Dumur a souvent récompensé une figure marquante, un ou une journaliste particulièrement méritante. Mais cette année, le journalisme, repaire de fortes personnalités et d’individualistes, se fait sport collectif. C’est le sens du prix Dumur 2021, officieuse médaille d’or du  journalisme romand, que notre comité a décidé de remettre à la rédaction du Nouvelliste et à son rédacteur en chef Vincent Fragnière.

Le Prix Dumur, c’est sa vocation, récompense le courage journalistique. Or, de notre point de vue, la rédaction du Nouvelliste a réussi le tour de force de soigner la proximité avec son terroir sans avoir peur de déplaire. Elle s’est ainsi distinguée ces dernières années au travers d’enquêtes retentissantes et qui ont contribué à faire bouger les lignes. Je pense notamment au travail réalisé sur les constructions illégales à Verbier, sur des maltraitances en EMS ou sur les effets qu’ont les produits phytosanitaires épandus dans le vignoble valaisan sur la santé des riverains. Je citerai aussi l’enquête sur les cas de harcèlement présumé au sein d’une compagnie de danse très connue en Valais, un travail qui fait écho à d’autres affaires mettant en cause des dirigeants de compagnies romandes.

En désignant comme lauréate la rédaction du Nouvelliste, le Prix Dumur consacre le journalisme non seulement comme sport collectif, mais aussi comme discipline d’endurance. Il récompense ainsi huit ans d’effort soutenus dans la construction d’une équipe, l’apprentissage du choix et de l’originalité, le développement d’une culture d’enquête, la formation d’une relève qui, malheureusement pour toi, Vincent, attire la convoitise d’autres écuries plus cotées, à tort ou à raison.

Outre de l’endurance, le journalisme requiert de la force. Force de caractère, et j’imagine qu’il n’en manque pas dans cette fière équipe de Valaisans. Et du muscle, quand il faut soutenir le bras de fer avec les puissants. L’exemple le plus marquant est sans doute le conflit de trois ans avec Christian Constantin, qui a interdit ses journalistes de stade et de contact avec son staff. La hache de guerre a été heureusement enterrée cet été sans que « Le Nouvelliste » ne doive faire de concession. 

Bien sûr, comme tu le dis toi-même, le Nouvelliste ne fait que son travail, cher Vincent. Mais, par essence, la proximité est propice à la complicité, à la complaisance, voire aux allégeances. Force est de constater que le quotidien valaisan est longtemps resté enchaîné à de vieilles fidélités. Ce prix Dumur salue son affirmation et son affranchissement des tutelles historiques. C’est que le Valais change, et le Nouvelliste change avec lui. A vous lire, c’est pour le mieux.

Enfin, nous avons tenu à saluer l’émergence d’un média complet qui a le courage d’oser de nouvelles narrations. J’en veux pour preuve le recours à des vidéos de qualité, ou à la série de l’été dernier « Les rires aux mayens », rencontre décontractée entre deux personnalités qu’a priori tout oppose.

Au sein de l’équipe du Nouvelliste, une personne mérite une mention particulière : le rédacteur en chef Vincent Fragnière. Cher Vinent, tu as l’âme de l’entraîneur, d’ailleurs tu diriges une équipe féminine de foot. Et après le Prix Dumur, tu as confessé dans un éclat de rire que l’ascension en première ligue constituait ton prochain objectif. Plus qu’entraîneur, tu es à la fois capitaine et entraîneur-joueur. Tu continues en effet de beaucoup écrire, tu vas sur le terrain que tu connais comme ta poche, à la rencontre de tes lecteurs, raison pour laquelle tu es impossible à joindre.

Chères consoeurs, chers confrères du Nouvelliste, prenez ce Prix Dumur comme un encouragement à poursuivre dans la voie audacieuse que vous avez empruntée. Et à titre personnel, au moment de passer de l’autre côté et d’embrasser la charge d’éditeur, je vois dans votre exemple un encouragement à conserver aux rédactions les moyens de faire leur travail et de pratiquer un journalisme courageux, utile à la société.

Je vous remercie de votre attention.

Serge Gumy